À lire dans le Monde Diplomatique « Le Journalisme intégral »

Antonio Gramsci, théoricien et organisateur politique, membre fondateur du Parti communiste italien, fut aussi journaliste, directeur de journal et penseur actif du journalisme. Les principaux textes qu’il consacra à cette question, de 1916 à 1935, se trouvent réunis dans ce petit volume facile d’accès, précédé d’une éclairante mise en perspective. Gramsci ne se contente pas de réfléchir au rôle effectif des grands journaux « bourgeois » de l’Italie d’alors, qui, en forgeant une conscience de groupe, firent selon lui fonction de « partis » dans un champ politique encore informe. Il s’interroge aussi sur ce que peut et doit être un journal proprement socialiste ; il choisit d’arrimer sa revue, L’Ordine nuovo, aux luttes réelles du mouvement ouvrier ; surtout, refusant le « journal marchandise » autant que la « propagande élémentaire », il affirme la nécessité d’offrir à son lectorat (populaire et militant) un contenu exigeant et, quand besoin est, des « articles longs », des « études difficiles » — en d’autres termes, il s’agit de former un public plutôt que de se soumettre a priori à ses attentes supposées. Un mot d’ordre qui mérite d’être ressuscité.

Antony Burlaud

Dans Marianne – WikiLeaks : Julian Assange ou la traque d’un lanceur d’alerte

L’affaire Assange, c’est l’histoire d’un homme persécuté et maltraité pour avoir révélé les sordides secrets des puissants, notamment les crimes de guerre, la torture et la corruption. C’est l’histoire d’un arbitraire judiciaire délibéré dans des démocraties occidentales qui tiennent par ailleurs à se présenter comme exemplaires en matière de droits de l’homme. C’est l’histoire d’une collusion délibérée des services de renseignement dans le dos des Parlements nationaux et du grand public. C’est l’histoire de reportages manipulés et manipulateurs dans les médias grand public aux fins d’isoler, de diaboliser et de détruire délibérément un individu. C’est l’histoire d’un homme que nous avons tous pris comme bouc émissaire en raison de notre propre incapacité sociale à nous attaquer à la corruption des gouvernements et aux crimes approuvés par l’État. Il s’agit donc également d’une histoire qui concerne chacun d’entre nous, qui touche à notre léthargie, notre auto-illusion et notre coresponsabilité dans les tragédies politiques, économiques et humaines de notre époque.

Pendant deux ans, j’ai enquêté de manière intensive sur le cas de Julian Assange. Pendant deux ans, j’ai tenté en vain d’obtenir la coopération des États responsables, et, pendant deux ans, j’ai fait part publiquement de mes préoccupations – dans des rapports officiels, des communiqués de presse et des interviews, devant des organes internationaux et des groupes parlementaires, mais aussi lors de tables rondes académiques et de nombreux autres événements. Le moment est venu de publier ce livre, qui résume mon enquête et mes conclusions, ainsi que les preuves disponibles, sous une forme facilement accessible. J’ai décidé d’entreprendre cette démarche parce que je n’avais plus d’options viables au sein du système, et parce que mon silence ou mon inaction aurait été synonyme de complicité dans la dissimulation de crimes graves ; tant ceux révélés par Assange que ceux commis contre lui et, donc, contre nous tous. Dans l’exercice de mon mandat, je ne me sens pas responsable en premier lieu envers les gouvernements en place, mais envers les États membres de l’ONU eux-mêmes et leurs populations. Lire la suite…