Dans ce recueil paru le 20 mars 2022, les Éditions Critiques offrent une sélection de textes de Gramsci portant sur la presse et le journalisme, en partie inédits en français, et précédés par une introduction éclairante du traducteur Fabien Trémeau. Les textes rassemblés ont été écrits par Gramsci à trois moments de son parcours politique et intellectuel, et correspondent ainsi à trois perspectives différentes sur la pratique journalistique.
I) Les textes de 1916-1918 : journaux-marchandises et journal socialiste
Le journalisme a été la première forme d’engagement politique de Gramsci. Il a en effet abandonné ses études universitaires en 1914 – il étudiait la linguistique – et a commencé alors à travailler pour des journaux socialistes, principalement l’Avanti ! (le quotidien national du Parti socialiste italien) et le Grido del popolo (hebdomadaire turinois également socialiste).
Les trois premiers textes de ce recueil sont des articles publiés dans l’édition piémontaise de l’Avanti !, et sont datés respectivement du 22 et du 23 décembre 1916, et du 27 décembre 1918. Gramsci s’y attaque aux journaux bourgeois dans leur ensemble : « Boycottez-les ! boycottez-les ! boycottez- les ! » (p. 33 et p. 39). Car le journal bourgeois est d’abord un « journal-marchandise » (p. 43) qu’il s’agit d’écouler le plus massivement possible ; et, pour cela, il transforme et déforme les informations de sorte à les conformer aux courants dominants de l’opinion publique. Mais c’est encore là « le cas le plus honnête – ou le moins malhonnête – de mercantilisme journalistique », puisqu’il arrive aussi, souvent, que les journaux tâchent plutôt de modeler l’opinion publique en fonction d’intérêts privés. Alors, « il se vérifie ce cas étrange : que la volonté, l’intérêt, le calcul d’une demi-douzaine de propriétaires de journaux s’impose aussi aux intérêts et à la volonté de toute une population » (p. 38).