Antonio Gramsci, « pour nous, vivants, dans la clarté cendrée », comme l’écrit Pier Paolo Pasolini dans le recueil que le poète et cinéaste a consacré au dirigeant du Parti communiste italien dans les années 1950 (1). Assassiné à petit feu par le régime de Mussolini, il meurt le 27 avril 1937 après une dizaine d’années d’incarcération et d’hospitalisation sous surveillance le conduisant de Turi à Rome en passant par Civitavecchia et Formia. Ses cendres reposent, dans le quartier du Testaccio, au cimitero acattolico di Roma, non loin des tombes de Keats, de Shelley et d’Antonio Labriola, l’un des premiers représentants du marxisme italien.
« Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans », avait déclaré le procureur fasciste dans son réquisitoire contre le militant, écrivain et journaliste communiste, accusé de conspiration, d’incitation à la guerre civile et à la haine de classe par le tribunal spécial pour la sécurité de l’État de Mussolini, en 1928. Il sera condamné à vingt ans de réclusion, le 4 juin de la même année, peine finalement réduite de moitié, le but atteint. Libéré le 21 avril 1937, rongé par la maladie, il meurt d’une hémorragie cérébrale quelques jours plus tard, à l’âge de 46 ans.
À la déconvenue de ses geôliers fascistes, il laisse dans ses Cahiers de prison, en plus de celui parsemant ses articles et ses interventions publiées pendant ses années de liberté (2), un florilège d’idées et d’analyses essentielles à notre temps, mettant la volonté collective – contre le fatalisme économique social-démocrate ou social-bureaucratique – et la lutte intellectuelle et culturelle au centre du combat contre l’exploitation capitaliste et la société de castes et de classes. Hégémonie culturelle, classes subalternes, État élargi, révolution passive, bloc historique, philosophie de la praxis, historicisme, césarisme progressif et régressif, guerre de position et de mouvement, intellectuel organique… autant de concepts qui portent la signature de Gramsci, pour reprendre la formule deleuzienne, dans lesquels vont puiser aussi bien les philosophes marxistes contemporains et les théoriciens du « populisme de gauche » que, mais à contre-emploi quant à la fin poursuivie par l’intellectuel communiste, les représentants de la pensée néolibérale et réactionnaire. Lire la suite…
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